Sévice militaire
Je vous propose de lire un petit papier écrit par un tout jeune homme au sortir de son service militaire.
J’étais malade, j’avais le cancer du cerveau parce qu’on ne m’avait jamais rien dit. Etre un homme, c’était savoir tuer les autres, bien sûr que ce n’était pas du vrai, mais on portait un fusil, on avait quand même la peur qu’un jour il faille s’en servir comme tant d’autres ont fait, c’est à dire s’en servir pour assassiner des hommes, des êtres, enfin, la folie suprême de l’homme.
« L’armée, ça vous fait un homme » ; qui n’a jamais entendu ça un jour ? Et bien, pour moi, un homme c’est celui qui respecte la vie et n’a pas besoin d’un fusil pour se sentir fort.
L’homme qui marche au pas n’est pas un homme – un élément dans une immense machine- une machine qui aboutit toujours à lui exploiter sa sueur et puis son sang. J’étais devenu cette mécanique, cet homme comme on dit, j’étais même parmi l’élite de ces machines puisque parachutiste et commando, c’est à dire la machine dans son plus haut perfectionnement, pour une tuerie. Puis, petit à petit, j’ai ouvert les yeux, j’ai regardé le monde et ses misères et j’ai vu qu’il y avait ces hommes-machines. C’est là que l’on souffre le plus. Mon cerveau, petit à petit, s’est nettoyé de toutes ces intoxications qu’il avait subies dans une société où tout vous contraint à vous conduire comme une bête si l’on n’essaye pas de se poser des questions.
Quelques individus sinistres et hypocrites conduisent des millions d’autres où ils veulent et quand ils veulent. Si, par hasard, un sort du rang, il est considéré comme indésirable et même un peu fou. Moi, je regrette qu’il n’y ait pas plus de ceux-là dans tous les pays du monde.
Je ne réalisais pas complètement qu’en tirant sur des cartons, on m’apprenait à tirer sur des gens. J’étais un soldat d’élite. Heureusement que mon cerveau a su résister à ce cancer qui mène invariablement, tôt ou tard, à se salir les mains dans le sang d’innocents pour quelques politiciens soudoyés par quelques industriel foireux.
Non je ne regrette pas ce que j’ai fait, puisque je parle de choses que j’ai vécues d’expérience, que j’ai subies dans cette école de la stupidité humaine, école du fascisme et de la folie de quelques hommes. Quiconque lira ceci devra savoir que c’est écrit par un homme qui a pris conscience de la vie, et même s’il n’a pas de médailles et de blessures à exhiber, il est capable de dire merde à ces hommes-machines qui marchent au pas cadencé.
Je suis heureuse que ce jeune homme soit mon père.